Réflexion informelle destinée originellement à Marc Aubaret (Directeur CMLO Alès). Concerne le développement volontaire de l’imaginaire au détriment du plan symbolique.

J’ai eu la chance de donner dernièrement un stage à *** qui m’a enfin fait comprendre un défaut si largement répandu actuellement parmi les conteurs, que cela me semble suffisamment important pour qu’’on voit ensemble comment y réfléchir.

Les stagiaires avaient tous une certaine assurance, dans leur manière de dire le conte, mais sans adresse réelle au public. La fameuse « bulle » les isolait toujours, les laissant chacun "seul" devant, face au public et non pas avec lui. Or toutes les images étaient sur-développées, chaque détail décrit, déployé au maximum, chaque élément enrichi. C’était comme une écriture précieuse, d’un maniérisme exacerbé, sans plus aucune force.

J’ai reconnu là ce défaut général, devenu si fréquent dans les pratiques actuelles de cet art, et qui m’indisposait sans que je puisse dire exactement pourquoi : une présence « portant un masque », assurée, un conte « bien en place dans une esthétique », mais avec le sentiment que "quelque chose ne va pas", que le conteur reste loin, seul, isolé, bref, personnel.

En discutant j’ai appris que ce groupe avait développé l’imaginaire en stage, par des exercices appropriés, se laissant imaginer, inventer, déployer chaque image, bref, "personnaliser" pour « développer leur imaginaire » (plutôt dans une intention de connaissance de soi...). Mais cela donnait une hypertrophie des images, qui tuait la symbolique et noyait la structure de sens.

Cette erreur m’a frappée, et j’ai eu le sentiment de comprendre quelque chose de très important, concernant la manière dont les jeunes conteurs « s’approprient » le conte en imagination active, et comment cette pratique les égare, comment le sens s’y perd, la structure disparaît et la différence entre imaginaire et symbolique reste incomprise.

Le conte est alors mal placé, dans une fausse « case » de l’esprit, qui permet l’assurance, mais pas le naturel. Tout est faussé ainsi, de même que la relation que l’on entretient avec son conte. Il me semble que ce placement met le conteur - et le public, bien entendu ! - en relation uniquement avec les images plutôt que de lui ouvrir l’accès du plan symbolique plus profond, contenu dans le récit "brut"...

En exagérant un peu, pour leur faire comprendre la différence, j’ai dit à ces stagiaires que le conte n’appartient pas du tout à l’imaginaire mais au symbolique. A la réflexion, il me semble qu’en réalité j’ai exprimé là une des clés les plus importantes du genre...

J’ai pensé t’en parler, car je vois là une piste pour aider à mettre le conte à sa juste place et faire comprendre mieux les choses aux jeunes conteurs...

Les "Editos"

Conférence au Mandapa du 22/01/19 - Dire la Culture de l’Autre

Le Conte

Au delà des personnages

Les contes et la restauration du féminin

L’Imaginaire et le Symbolique

La Sérénité du Merveilleux

L’adaptation d’un conte