L’actualité nous rattrape et nous dépasse, chaque jour une nouvelle affaire, minute
après minute la guerre sur nos écrans et ses morts chirurgicaux, ses conflits civils
et ses insanités sociales… Les sujets sont pléthores et propices à l’emportement
mais à quoi bon hurler devant tant de manigances orchestrées de main de maître ?
Nous aimerions devenir des héros mais de quoi ? On dit que facebook et le
téléphone portable ont déclenché les révolutions arabes de ce printemps…
Paradoxe déstabilisant pour nous qui pensions qu’avec le théâtre nous avions "une
arme de construction massive" ! Allons-nous devenir des militants du cyber espace,
et en déduire qu’en investissant la rue nous serions devenus archaïques ?

Pourtant le théâtre reste réalité, force physique, matière en direct, sueurs, cordes
vocales, poussières qui volent, fumée qui nous envahit… Vent de révolte ? Oui,
l’existence et la pratique de l’art doivent faire partie de nos droits fondamentaux !
Et pour le maintien des biens de l’esprit, nous devons tous lutter. Avec son style
qui nous désarme et ses manières insolites, nous voulons continuer à croire à un
théâtre de rue qui incarne un terreau fertile pour l’expérimentation, qui révèle des
sensibilités composites, et attire sans distinction d’autres familles artistiques.

Instinctivement, nous avons pris le pari d’accompagner les saute frontières
artistiques les plus motivés. En empruntant ces chemins non balisés, en soutenant
une diversité des langages, le Festival d’Aurillac souhaite s’affirmer comme un
territoire de tous les possibles pour les compagnies, en complément du Parapluie*
qui accompagne les énergies des prémices créatrices.

Ce rendez-vous du mois d’août n’est pas commun, les écritures qui en jaillissent
dans une sorte de chaos font écho à la foire monstrueuse de nos démocraties.
En secouant avec les artistes les notions d’ordre et de désordre, de norme et
d’anormalité, nous continuons à gratter les interstices là où des individus explorent
depuis longtemps la mixité artistique. Ces fouilles restent possibles grâce à cet
espace public encore ouvert et partageable, malgré toutes nos contraintes de
circulation et d’action…

S’ouvrir aux différences ne signifie pas renier nos origines ! Le théâtre de rue sera
là bien sûr, avec ses classiques, debout avec ses lances requêtes et son pilonnage
d’alertes citoyennes. La pression des enjeux citadins sera palpable, attention aux
zonages qui se préparent, aux campements expulsés des périphéries ! Et pour tous
ceux qui seraient tentés de prendre le maquis, des échappées seront possibles
pour méditer, observer des scénographies plus discrètes, mettre à l’épreuve l’acuité
de votre regard…

Ici, pendant cinq jours de commerce et de dérives actionnistes, immergés
dans la ville ou embusqués au creux de pays imaginés, les artistes prolongent
et transforment nos interrogations. Et pour vous ? Que vous raconte cette ville
grouillante dans laquelle nous oeuvrons ? De quoi témoigne ce terrain dionysiaque,
terre de jeu et de catharsis ?
Vos mots et vos sensations comptent pour décrypter tous ces signaux échangés.
Nos différences d’interprétation sont une richesse, tout comme nos dialogues : ils
demeurent nos meilleurs antidotes à la peur ! Et si c’était nous qui détenions cette
force de changement dans nos micros espaces de vie ?

Entrez dans le dense et l’intense !

*Le Parapluie : Centre international de création, de recherche et de rayonnement pour le théâtre de rue d’Aurillac