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Edito juin 2014

Traveling Avant –Arrière

« Aujourd’hui, il reste vraiment très peu de conteurs professionnels qui portent sur scène, de manière flamboyante, avec force beauté, vigueur et talent, la splendeur poétique, métaphorique et politique des contes traditionnels. Le goût semble s’en perdre. Leur pertinence n’est plus perçue.

« Ecrivain avec la bouche, journaliste, auteur », voici qu’en s’augmentant de tout cela, le conteur semble déserter le conte.

Conteur, c’était un beau métier. Très humble.

Il y a eu quelque chose de magique, dans ma génération, quand on a pu ouvrir les répertoires du monde entier. On a vécu en plein ventre la mondialisation, les questions qu’elle pose, les risques, dommages et chocs qu’elle fait subir mais aussi l’ouverture d’esprit formidable qu’elle suscite, pour peu qu’on se donnât le temps d’explorer, s’approcher de manière sincère de la culture de l’autre, s’en laisser transformer.
Ça a été une joie du partage, une explosion, un chant du monde qui panachait le semblable et la diversité. J’ai beaucoup appris, d’un peuple à l’autre. Chacun a sa vision sensible du monde. Tant de richesse ne m’a jamais alourdie. Je discernais de ce qui devait être abandonné, renouvelé et ce qui était le précieux. Je me suis sentie reliée.

Ce furent de belles années. En appui sur plus grand que moi, je me sentais à la fois puissante et tranquille. La tranquillité de dire quelque chose qui vient de très loin derrière soi est incommensurable. J’avais confiance. A l’époque, je me vivais comme un humble artisan, à la rigueur artisan d’art, à vrai dire, je m’en fichais.

Et puis il a fallu que le conteur devienne un artiste et ait quelque chose à dire. Ce mouvement, à son début, a été porteur de liberté et d’élans de recherches. Mais plus cela allait, plus le conteur portait son dire – de plus en plus personnel, intime, voire privé - sans appui derrière lui et sans métaphore non plus.

Ce mouvement s’est accéléré, et maintenant le conteur se fait le champion du lien social dans l’actuel d’une parole au présent. Sa parole pioche à toutes les paroles, du one man show au journalisme, courtise toutes les formes de la scène et des médias. On attend le conteur politicien.

S’il vous plait, dites-moi que j’exagère ! Ça me ferait plaisir. »

Catherine Zarcate