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Edito février 2014

Bulles

" Même si le conte est une parole et que l’on puisse parler n’importe où, l’acte de dire un conte n’est pas comparable. Il a besoin d’un espace/temps bien défini et clairement protégé pour se déployer dans sa beauté. Il ne faut donc pas définir l’espace dévolu au conte par la taille physique du conteur (humain debout/assis, style Père La Chaise : deux mètres carrés), mais bien définir l’espace à l’aune de la parole !

Les conteurs aussi ont besoin de poser leurs décors. Même s’ils donnent parfois dans le petit film intimiste, leurs répertoires sont emplis de palais grandioses, de vastes forêts, de paysages pour des travellings sans fin. Sans souci d’économie, ils créent des épopées avec un nombre scandaleux de figurants en armes ; leurs djinns et autre créatures concurrencent sauvagement les effets spéciaux hollywoodiens ; leurs mondes obscurs défient toute caméra. Et tous ces univers, les conteurs les déploient dans l’espace unique du vide autour d’eux. L’espace vide offert au mime est un minimum vital.

Attention, donc, à ne pas positionner trop près le premier rang de public ! Et si le conteur venait à ouvrir - par inadvertance, bien sûr ! - l’accès du monde d’en bas dans le chignon d’une dame du premier rang !? A notre époque procédurière, qui sait quelles plaintes pourraient en résulter ?

Le public aussi a besoin de sa bulle, un espace qui permette l’écoute, la rêverie, le fait de se sentir touché dans ses sentiments. Car si le conteur réunit les gens, il s’adresse aussi intimement à chacun. Le plus beau compliment qu’il puisse recevoir n’est-il pas - alors que la salle est pleine - quand quelqu’un vient lui murmurer après coup : « j’avais le sentiment que vous ne vous adressiez qu’à moi seul ».

Il est donc urgent de répandre cette idée que l’espace scénique du conteur se mesure à la taille de ses rêves. " CZ