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Edito

Les Sœurs de Cendrillon

« Le Merveilleux nous propose un voyage, un voyage vers l’inconnu. C’est cela, le plus important, dans le merveilleux. Et selon qu’on peut s’y ouvrir ou non, on transforme sa vie ou bien on reste à la lisière.

Il ne devrait pas y avoir de jugement porté sur celui qui rate. Le conte suit celui qui ose franchir le pas car il suit le fil de ce qu’il veut dire – qui est de montrer le chemin vers l’accomplissement : c’est cela qui est exceptionnel et mérite d’être conté.

Mais quitter son monde est quelque chose de bouleversant. Il faut s’en souvenir, quand on conte, justement pour ne pas juger les héros qui n’y arrivent pas, qui ne peuvent ou ne veulent pas. Ces personnages aussi comptent... On ne peut pas créer un univers vrai, sans eux. Le monde est plein de gens qui ne bougent pas et recueillent, en lieu et place d’une évolution, envie, jalousie, désir frustré, velléité, rêverie stérile... Ces gens là aussi sont importants.

Si le conteur peut reconnaitre en lui-même les "sœurs de Cendrillon", accueillir avec justesse les héros sournois, fourbes et sombres, et faire vibrer leur humanité, il touchera fortement son public, le troublera, même. Car son univers deviendra nuancé et émouvant. S’abandonnant à la complexité humaine, plein de compassion pour les égarés, son récit sonnera vrai. Vrai comme la vie, vrai comme l’échec, la mauvaise foi, et tout ce qui nous habite tous….

C’est une manière habile d’éviter la caricature du « conte de fée ». Mais aussi, en ce moment, c’est une résistance, car notre monde fait la part trop belle aux vainqueurs. Or cette dangereuse simplification du monde et des êtres est à la racine des dictatures. Ainsi le conteur, se gardant bien de tomber dans ce piège, ramènera le juste équilibre entre les parts d’ombre et de lumière. Donnant pleinement vie à chacune, il pourra bouleverser ses publics et faire œuvre de paix. Car une paix véritable naît de se voir tel que l’on est vraiment. »

Catherine Zarcate