L’engagement

La parole engage, par essence. Et une parole publique engage doublement. Mais de quoi est fait l’engagement d’un artiste ? Est-ce vraiment un message clairement politique, militant ou social ? Ou bien sa nature est-elle tout autre ? On parle « d’artistes engagés » pour désigner ceux dont l’œuvre s’inspire ainsi des plans politiques ou sociaux. Pourtant il existe un autre engagement.

Par exemple, s’obstiner à s’intéresser aux contes, aujourd’hui, en ce monde, n’est-ce pas un engagement vis-à-vis du mystère humain que nul ne saurait réduire ni saisir ?

Car il faut s’obstiner, ces temps-ci, pour simplement préserver, maintenir, ce qui, en d’autres temps, se gardait tout seul naturellement.

Il faut s’obstiner pour préserver une recherche, un temps de travail, un espace de calme, un vide créateur. Et pourquoi le fait-on encore ? Pourquoi insiste-t-on ? Pourquoi est-ce si essentiel de maintenir ouvert un tel espace, de recréer sans cesse la ligne qui nous relie aux étoiles, de naviguer hors du commun ?

S’abstenir de céder, d’abandonner, de capituler… Pour qui, plutôt que pourquoi. Pour soi ? Pour les générations futures ? Pour celles d’aujourd’hui ? Pour la Culture avec un grand C ?... Pour rien peut-être, simplement pour rien… Parce que l’artiste est ainsi fait, c’est sa nature. Il a ça en lui, il faut qu’il maintienne cet espace vide d’où surgit tout ce qu’il crée.

C’est à tenir comme un Graal entre les mains. Précieusement. Cela se transmet, aussi : comme on passe un relais, un flambeau, on peut faire passer l’espace vide d’où tout surgit… C’est l’esprit créateur même, n’est-ce pas. Et cette manière de préserver sans cesse cela, est à mon sens, pour l’artiste, son plus grand engagement. Celui qui génère tous les autres, comme le chapeau du magicien génère des lapins, des rubans ou des bonbons de toutes les couleurs. La matrice de ses choix. La politique est un bonbon de couleur. Mais l’art est le chapeau ! Et moi j’aime bien les lapins…

Catherine Zarcate