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Edito

Le public rieur ou la Montgolfière

« Il arrive certains soirs, on ne sait trop pourquoi, que le public ait le rire facile. S’il est gai mais sait recevoir les moments touchants, c’est un public merveilleux. Mais s’il est « excité » - par la fatigue de la semaine, un autre spectacle avant, ou autre, l’énergie devient très volatile. Le rire est une matière ultra sensible et réactive qui crée une onde longue à calmer. En de tels soirs, on conte "sur des œufs".

Bien entendu, on évitera la démagogie qui consiste à en rajouter pour faire rire au maximum durant un spectacle dont ce n’était pas l’intention première…

L’important reste de faire sonner dignement les passages émouvants ou profonds. Le mieux est de bien moduler l’intensité de ce qu’on envoie : conter en demi teinte, minimiser les effets, car l’enchaînement serait trop périlleux vers l’émotion qui suit.

Et anticiper les temps de retour au calme et à la réceptivité. Car une salle explosive rit de tout, et pas seulement aux endroits habituels. Ces vagues de rires ne sont pas dans le rythme du spectacle. Il faut donc ralentir : une phrase de plus fera un bon sas. On peut aussi calmer les gens par le volume, le velouté de la voix, la tranquillité intérieure, un certain silence… Nous avons beaucoup d’outils. Oublions l’air pincé, le visage choqué, la sévérité dans l’œil ! ;)

Au plan énergétique cela revient à conter en relation directe avec l’ambiance émanant du public. C’est presque un toucher ! On tâte, on embrasse la « bulle » du public - on la contient parfois. Certains disent que le public est la mer. Dans ces soirées « volatiles » je le ressens plutôt comme une vaste toile gonflée d’air, souple et mouvante...

Une montgolfière ! Oui, le public est une montgolfière : cette vaste bulle légère qui voyage ! Le Conte en est le panier léger et le conteur celui qui entretient le feu ! Ses combustibles ? : la joie, l’amour, le don, l’écoute et le partage de tous. Alors, même si un rire intempestif, tel un bref coup de vent, fait frémir l’engin entier, le conteur rétablit vite l’équilibre : prudent, il a su garder du lest ! »

Catherine Zarcate