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EDITO

Spéléologie d’une onde de choc

" Nous avons souffert. Nous avons eu peur. Peut-être avons-nous encore peur. On a beau se dire les uns aux autres que la vie continue, on a beau affirmer qu’on passe à autre chose, il faut pourtant prendre le temps de traiter cette violence subie, accepter d’avoir mal et d’être meurtri comme l’est encore la ville. Bien sûr on peut réagir, relativiser, replacer l’impact dans l’ampleur du chaos humain mondial. On peut faire cela. Pourtant, il ne faut pas ignorer ce que l’impact nous a fait subir dans notre propre cœur et notre propre corps.

Car même si on n’a rien vécu ni rien vu, même si on dormait, si on était loin, on a subi l’onde de choc. Celle-ci est encore vive dans l’ambiance de la ville, du pays, et surtout dans les regards croisés des inconnus. Cette méfiance, ce « qui es-tu, toi ? », c’est cela qu’il faut soigner en soi-même avant toute chose, pour retisser la chaleur humaine de la communauté.

C’est là qu’est le travail le plus important, pour ne pas sombrer dans les pièges tendus du rejet, de la violence rendue, de la fermeture. Soigner la peur de l’autre qui cloisonne et isole, qui crée les conditions pour que les choses se durcissent, telle est l’urgence.

L’artiste doit veiller avec un soin tout particulier à dissoudre cette peur, en lui-même dans un premier temps. Il doit se promener dans sa psyché, comme un spéléologue dans les galeries d’une grotte, suivre les ramifications de cette peur, les éclairer, nettoyer et dissoudre. Car, en interne, un évènement nouveau s’ancre toujours sur l’ancien et si on n’y prend pas garde, cela influencera ensuite nos créations, s’immiscera dans nos paroles et s’invitera dans la vibration de ce que l’on transmet.

J’aime assez cette image de me promener en moi-même avec une torche allumée, une lumière qui chasse les ombres avant qu’elles ne se soient trop s’installées ou n’aient créé des complicités. Comme il serait bon d’être ce sage chinois du conte qui, tout seul dans sa montagne, fait la paix en lui-même et la répand dans le royaume entier !

Mais nous sommes petits. Pourtant si, le faisant pour nous-mêmes, nous le répandons autour de nous, nous aurons fait notre part ».

Catherine Zarcate