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EDITO

Le Répertoire du conteur

« Le répertoire d’un conteur est constitué de l’ensemble de ses contes immédiatement disponibles : ceux qu’il peut conter sans révision ni répétition. Quelque chose qui est là. Le fameux « sac » d’où le conteur tire ses histoires. Il est censé être « raisonné » - tel un catalogue - c’est-à-dire suffisamment diversifié pour s’adapter aux multiples publics. Mais en réalité il est irrationnel, insoumis et au service de l’être !
Il se constitue avec le temps et représente un long chemin, une longue recherche. Pour mieux dire, il est le chemin. Les Spectacles y scandent la route, tels les cailloux du petit Poucet. Tout comme un conte a son fil conducteur, le répertoire suit un fil sous-jacent qui court de titre en titre, témoignant d’une quête, orientant le tout, transcendant chaque titre, amenant au suivant. Cette démarche valide ce métier comme étant un art.

Le conteur a clairement quelque chose à dire. A travers les récits qu’il choisit, il ne cesse de faire chatoyer sa vision, son univers. En cours de route, s’exprime l’évolution de sa perception du monde ; il épure et sa lumière se manifeste. Il ne faut pas croire que son répertoire soit adaptable à merci aux thèmes et commandes. A force d’y répondre en priorité, il sort de son axe. Même s’il y a des mariages heureux où la commande tombe à pic, il faut se préserver les occasions d’une parole libre.

Les lois qui attirent un conteur vers ses contes et président à la constitution de son répertoire sont profondes. Elles font se cristalliser des choix de l’âme, des joies de l’être, elles vivifient des questions, des mémoires. Un immense travail se fait ainsi. Les publics qui suivent longtemps un artiste sentent parfaitement ce charme, au sens fort du terme, qui le mène de titre en titre.

Quand la vie s’en mêle, viennent les « trouvailles » où l’on tombe sur le bon récit au bon moment. A cause de cela, certains conteurs disent qu’ils « sont choisis » par leurs contes. J’aime mieux dire que la quête crée la rencontre, pour un pas de plus.

Mais tout a un rythme. Tout a des stases. Il se crée des vides. Alors, le conteur - qui est le premier spectateur émerveillé de ce qui jaillit de la source – tel un enfant gourmand, chuchote en son for intérieur à son inspiration, à ses muses : « Et alors ? ». »

Catherine Zarcate